« C’est le passé qui nous constitue, car il est la trame de notre présent »
Les passeurs de mémoire jouent un rôle essentiel. En préservant et en transmettant des récits, des expériences et des leçons du passé, en partageant des histoires et des témoignages souvent liés à des évènements marquants ou particulièremet douloureux ils contribuent à la sauvegarde de la mémoire collective. Ce travail de transmission aide les générations futures à comprendre leur héritage et à cultiver une conscience historique qui peut guider et orienter leurs actions.
Si les motivations des passeurs de mémoire sont multiples et diverses, elles ont toutes un point en commun: la profondeur morale de leur engagement. Que ce soit pour remplir un devoir de mémoire, rendre hommage à des victimes, éduquer et sensibiliser les jeunes générations, préserver l’identité culturelle et historique d’une communauté ou d’une nation, guérir les maux et faciliter la résilience des plus fragiles ou que ce soit simplement au titre d’un engagement citoyen, les passeurs de mémoire sont tous profondément imprégnés des responsabilités que leur confère leur mission morale.
Alain Jacquot-Boileau est un passeur de mémoire qui, depuis quinze ans maintenant, se consacre à la mémoire du Général Brosset. Instituteur, il a régulièrement conduit les élèves de tous les Cours Moyens de Champagney en pèlerinage à la nécropole de Rougemont. Il a accueilli dans sa classe un autre passeur de mémoire, un ancien combattant du Bataillon de Marche N° 24 https://www.france-libre.net/obenheim/, Henri Pesenti décédé en 2016.
C’est en 2014, lors de l’Assemblée générale de l’Association Promotion Général Brosset, qui se tenait à Besançon, que les membres présents ont fait la connaissance de ce passeur de mémoire. À la demande de notre camarade Daniel Étienne, qui faisait partie de l’équipe des « régionaux de l’étape » chargée de l’organisation de cette réunion, Alain Jacquot-Boileau nous avait fait, à Rougemont, une brillante et très émouvante conférence sur la vie et le parcours du Général Brosset.
Non seulement motivé par la transmission de cette page d’histoire auprès de ses élèves, Alain Jacquot-Boileau se bat pour que la 1ère DFL et son chef ne soient plus les oubliés des livres d’histoire. Dans la mémoire collective des Français, comme dans celle des médias, la 2ème DB du général Leclerc bénéficie d’une aura, certes méritée, mais qui a eu pour corollaire le lent, mais inexorable, estompement médiatique de la 1ère DFL. C’est une injustice flagrante que l’on a pu, récemment encore, malheureusement constater et déplorer lors du battage médiatique autour des cérémonies du 80ème anniversaire du débarquement en Provence.
Alain Jacquot-Boileau décrit Diego Brosset comme « un militaire atypique et original, un soldat véritable avec tout ce que cela implique, un chef curieux de tout ce qui l'entoure, un chef courageux, tellement proche de ses hommes mais aussi un intellectuel et un écrivain ». Qu’il soit infiniment remercié pour son engagement sans faille dans la préservation de la mémoire de notre parrain. Il nous a montré un chemin. Celui de passeur de mémoire. Puissions-nous, nous aussi, à notre tour emprunter ce chemin avec la même détermination et pugnacité !
Alain Jacquot-Boileau tient un blog où vous pouvez retrouver tous les articles et reportages consacrés au général Brosset. (https://jacquotboileaualain.over-blog.com - Rubrique Catégories).
Les trois passeurs de mémoire suivants auxquels je tiens également à rendre hommage, Florence Roumeguère, Jean-Marie Pefferkorn et Pascal Vanotti, constituent l’équipe qui anime et fait vivre le blog « Sur les chemins de la 1ère DFL : 1940-1945 » (http://divisionfrancaiselibre.eklablog.com).
Ce blog est né de la rencontre entre Florence Roumeguère et Brigitte Pefferkorn, la belle-sœur de Jean-Marie Pefferkorn. Aux obsèques de son père, Jacques Roumeguère (1er Régiment d’Artillerie), elle fait la connaissance de Blandine Bongrand, la fille du général Bernard Saint-Hillier, ancien chef d’État-Major du général Diego Brosset et président, pendant vingt ans, de l’Amicale de la DFL. Elle rejoint cette amicale et à partir de ce moment, la documentaliste de formation qu’elle est se plonge dans les archives de la DFL. Elle sauvegarde et numérise des centaines de documents, de photographies et de parcours d’anciens de la DFL. C’est ainsi qu’elle contribue à sortir de l’oubli cette 1ère DFL que son père se désolait de voir jouer le rôle ingrat de « grande oubliée de l’Histoire ».
B.M. 24-Obenheim (Bataillon de marche n°24). Encouragée et parrainée par cette dernière, elle conçoit et réalise, en 2014, le blog « Sur les chemins de la 1èreDFL », que Jean-Marie Pefferkorn et Pascal Vanotti rejoignent peu de temps après.
C’est à la même époque qu’elle rencontre Brigitte Pefferkorn, alors directrice de la FondationSollicité par sa belle-sœur, Jean-Marie Pefferkorn vient, en tant que bénévole, prêter main forte à Florence Roumeguère dans son travail de webmaster. Il contribue à la mise en page et en ligne des nombreux témoignages de tous « ces braves combattants de la 1ère DFL auxquels nous devons tant afin que leurs sacrifices ne soient pas oubliés ». Il reprend le flambeau de sa belle-sœur décédée en 2017. Depuis il continue à alimenter le blog à l’aide des témoignages et des souvenirs des anciens de la 1ère DFL encore en vie, mais aussi à l’aide des annonces ou des communications des familles des descendants et des nombreux reportages effectués lors des cérémonies commémoratives.
En 2012, Pascal Vanotti
assiste à la remise de la médaille du combattant à son père. Celui-ci ne s’était jamais épanché sur cette période de sa vie au sein de la DFL. Intrigué, son fils entreprend des recherches qui le conduisent auprès de Blandine Bongrand, Florence Roumeguère et Brigitte Pefferkorn qui développaient le Blog.À peu près à la même époque, un ami de 30 ans de Pascal Vanotti, Christian Martel, trouve, au décès de ses parents, le journal de marche de son père René Martel, caché au fond d’un tiroir. Stupéfaits les deux amis découvrent que leurs pères, l’un des Ardennes, l’autre du Jura, se sont engagés à la mi-octobre 1944 dans la 1ère DFL, après la dissolution de leur groupe de résistants, et qu’ils ont combattu côte à côte au sein du Bataillon de Marche n° 21. Le journal de René Martel entre ses mains, le père de Pascal Vanotti, qui jusque-là avait toujours éludé les questions de son fils en se réfugiant dans un mutisme comparable à celui des déportés à leur retour des camps d’extermination, s’exclame : « Mais c’est nous ! C’est notre vécu ! Il faut le faire connaitre afin que nos camarades ne soient pas morts pour rien. Moi je n’ai pas eu le courage, c’était trop difficile ! ». Comme le souligne son fils Pascal c’était, non seulement, trop difficile mais aussi trop douloureux pour un ancien de la DFL qui n’a plus jamais, jusqu’à sa disparition, prononcé les mots « explosions », « mines » et « obus » qui lui rappelaient trop cette période.
Depuis, « par respect pour tous ces anciens retournés modestement et humblement à la vie civile » Pascal Vanotti contribue à « guider les familles dans leurs recherches et complète l’annuaire des anciens de la DFL en croisant les archives et les documents en possession de leurs descendants ».
Pour clore ce passage sur l’équipe du blog « Sur les chemins de la 1ère DFL : 1940-1945 », je laisse la parole à Florence Roumeguère : « Parmi nos publications, nous avons produit un livret numérique sur le général Diégo Brosset. Ce travail de recherche a notamment recoupé les travaux conduits à l’époque par la Promotion Brosset de Coëtquidan et ceux de l’historien local Alain Jacquot-Boileau à Champagney. La lecture de la biographie du général et des témoignages qui émaillent les récits des anciens de la DFL à son sujet nous ont fait prendre conscience de la dimension « hors norme » du général Brosset, dans la pure expression de l’esprit de la France libre, et aussi de l’affection dans laquelle le tenaient ses hommes, habitués à le voir toujours et partout le long de leurs avancées, en Italie comme en France, et, au mépris du danger, foncer le premier en avant sur le terrain des combats. Je suis particulièrement heureuse que la personnalité inspirante du général Brosset, chef de la 1ère DFL, fasse l’objet en 2024 d’une commémoration particulière au moment où la Promotion Brosset fête ses cinquante ans et du 80èmeanniversaire de sa disparition ».
La boucle est ainsi bouclée. Au moment de notre sortie de Coëtquidan, notre modeste travail de mémoire de 1974 - le livret sur notre « Parrain » et notre « Livret souvenir » - a inspiré et servi de socle au remarquable travail effectué en 2014 par l’équipe du blog regroupée autour de Florence Roumeguère, Jean-Marie Pefferkorn et Pascal Vanotti. Au nom de l’ensemble de la promotion, je tiens à les remercier très chaleureusement pour leur dévouement à la cause de la 1ère DFL et pour leur attachement à la mémoire du général Diego Brosset. Je leur suis infiniment reconnaissant de m’avoir confié leur livret numérique de 2014 sur le général Brosset afin que je le publie prochainement sur ce blog « Année 2024 : Année Brosset ».
À l’opposé de Pascal Vanotti qui, comme beaucoup d’enfants de l’époque, n’a découvert que tardivement la réalité de ce que son père a vécu lors des combats pour la libération de la France, Marie-Hélène Châtel, déléguée mémoire de la 1ère DFL, a baigné très tôt dans une histoire familiale non seulement riche, mais non tue.
Son père entre à l’école navale en 1939, combat dans les rangs du 2e escadron du 1er R.F.M commandé par le lieutenant de vaisseau Savary. Il sera blessé dans les combats du 29 septembre 1944 entre Clairegoutte et la forêt de Chérimont, à proximité de Champagney et du funeste pont sur le Rahin où périra le Général Brosset. Son oncle paternel a rejoint les rangs de la 2ème DB et participe les 11 et 12 septembre 1944 a la plus grosse bataille de la Haute-Marne pour la libération d’Andelot. Enfin son grand -oncle Albert Payet, rejoint la résistance en 1942. Membre du mouvement « Franc-Tireur » il partage, en dépit de son âge, le travail et les risques de la clandestinité et occupe également les fonctions de rédacteur en chef de la revue homonyme.
C’est donc à l’aune de cette enfance, au cours de laquelle « la guerre et les histoires de guerre » que son père racontait et partageait, des rencontres avec ses amis de combat et des participations régulières aux nombreuses commémorations (Croix-Valmer, Nod sur Seine entre autres), que le destin de Marie-Hélène Châtel s’est forgé. Après des études en affaires étrangères à la Georgetown University (Washington) elle s’investit, aux côtés d’Yvette-Buttin-Quelen (Chevalier de l'ordre national du Mérite, secrétaire générale honoraire de la Fondation de la France Libre, secrétaire générale de l'Amicale de la 1ère Division Française Libre) dans l'Amicale de la 1ère DFL puis dans la Fondation de la France Libre dont elle devient la déléguée à la mémoire de la 1ère DFL.
Marie-Hélène Châtel résume son parcours ainsi : « La transmission, le partage, les échanges sur ce passé que nous avons vécu à travers nos parents étaient essentiels et suis fière de cette Histoire. Commémorer les hauts lieux de nos combats était primordial. La DFL fait partie de notre famille ».
C’est d’ailleurs à ce titre qu’elle s’est lancée dans la création de la « Route de la 1ère DFL ».
Pour que « nos jeunes sachent, connaissent et transmettent », Marie-Hélène Châtel organise l’implantation de panneaux commémoratifs, à des endroits hautement symboliques, tout du long de la route suivie par la 1ère DFL, depuis La Croix Valmer jusqu’en Alsace, à en passant par le Massif de l’Authion, Lyon, Autun, Nod-sur-Seine, la Haute-Saône et le territoire de Belfort.C'est avec ce dernier portrait que se termine ce chapitre dédié à ces passeurs de mémoire qui se dévouent à la préservation du patrimoine mémoriel de la 1ère DFL. Ils remplissent une mission essentielle. En brossant rapidement leur portrait, j'ai tenu à ce qu'ils remerciés pour leur dévouement, leur abnégation et leur enthousiasme.
En installant les panneaux de la Route de la 1ère DFL, en donnant la parole aux soldats de cette unité qui s'est brillamment illustrée et en rappelant l'histoire de son chef le général Diego BROSSET, Marie-Hélène Châtel, Florence Roumeguère, Jean-Marie Pefferkorn, Pascal Vanotti et tous les nombreux anonymes qui ont apporté leur témoignage, montrent aux générations à venir le « riche terreau » dans lequel plongent les racines de leur futur.